Un départ en «post-retraite» avec le sentiment du devoir accompli

Que demander de mieux, quand on se retourne sur sa carrière professionnelle, que de la clore sur le sentiment du devoir accompli ? C’est le cas de Jean-Calvin Kansietoko, technicien en radio-oncologie à l’hôpital fribourgeois (HFR) depuis vingt-huit ans. Il s’en va en retraite fin juillet.
«En post-retraite», précise-t-il. En effet, Jean-Calvin Kansietoko devait initialement terminer sa carrière en juillet 2024, mais il a choisi de la prolonger d’un an. Et sans aucun sentiment de sacrifice, bien au contraire. «Tout cela, je l’ai fait dans le plaisir», souligne-t-il en citant Léon Tolstoï : «Le bonheur n’est pas de faire ce que l’on aime, mais d’aimer ce que l’on fait.»
Originaire de la République démocratique du Congo, Jean-Calvin Kansietoko est arrivé en Suisse en 1983, aux Sciernes-d’Albeuve, en tant que requérant d’asile. Il venait tout juste d’obtenir son baccalauréat en sciences (mathématiques et physique), mais le régime dictatorial de Mobutu et sa participation aux révoltes étudiantes ont entravé son avenir.
Alors il a dû tout recommencer, avec détermination et résilience. En attendant l’obtention de son droit d’asile – accordé en 1989 – il a enchaîné divers emplois, acquérant des expériences précieuses tout en poursuivant son objectif : financer sa formation à l’école de radiologie médicale de Lausanne, qu’il intègre en 1993.
Il a ensuite travaillé durant presque trois décennies à l’HFR, où il a également transmis, en sa qualité de praticien formateur, ses connaissances et son savoir-faire aux futures générations de professionnel-le-s de la santé.
Le lien avec l’autre
«Bien sûr, j’aime la dimension technique de mon travail : c’est une question de savoir-faire, de compétences acquises. Mais le plus précieux, c’est le savoir-être. Le lien avec l’autre, l’écoute, l’attention, l’empathie… C’est cela qui donne du sens à ce que je fais. Quand on parvient à apaiser un patient inquiet, à le faire sourire, voire rire, alors qu’il traverse une période difficile, c’est là que le métier devient extraordinaire.»
Cette attention à l’humain a toujours été au cœur de sa pratique. Jean-Calvin Kansietoko est un humaniste. Il s’est toujours efforcé de voir la personne derrière la blouse d’hôpital. «Cela peut avoir beaucoup d’impact, alors que c’est si simple.»
Une de ses patientes, soignée pour un cancer du sein il y a plus de dix ans, en témoigne : «Il reste bien présent dans ma mémoire, confie Marie-Dominique Moura. Grâce à lui, tout était plus facile. Il était toujours de bonne humeur, avec un petit mot personnel.» En patois gruérien, en l’occurrence, pour cette native des lieux – une langue qu’il a apprise auprès de ses patient-e-s.
Mais l’heure est venue de tourner cette page professionnelle. Et c’est, selon lui, le bon moment. Lui qui aimait tant prendre le temps avec les patientes et les patients a vu ce temps devenir, au fil des ans, un luxe de plus en plus rare. Notamment à cause «du pacte budgétaire qui lie les institutions de santé aux assurances et aux autorités, regrette-t-il. «Aujourd’hui, les gens sont stressés, ils marchent vite, l’esprit ailleurs. Souvent, dans les couloirs, on se croise sans même se voir…»
Alors, si vous le croisez encore, prenez un instant pour lui souhaiter une belle retraite ! Il vous en remerciera avec chaleur et vous dira qu’il ne redoute pas de s’ennuyer: « Puisque je serai encore entouré d’humains ! »